Pourquoi les enfants croient au Père Noël ?
Jusque quel âge faut-il laisser les enfants croire au père Noel ? Le rituel des cadeaux déposés sous le sapin en catimini n’entretient-il pas la crédulité de nos bambins ?
Cela peut paraitre un jeu amusant pour les parents, mais faut-il le faire durer ? Voilà une question abordée par l’excellent magazine Sciences Humaines dans son numéro d’octobre 2010. Il y consacre notamment un dossier sur la pensée des très jeunes enfants et leur imaginaire. Le cœur du dossier souligne les nombreuses idées reçues du monde des adultes sur le mode de pensée des enfants.
Un excellent numéro de Sciences Humaines avant Noel si vous voulez mieux connaître vos enfants !
En voici un court extrait du N° 219 de SCIENCES HUMAINES - octobre 2010
À quoi pensent les enfants ?
« Pourquoi les enfants croient au Père Noël ?
Dans les années 1940, J. Piaget et son équipe avaient étudié la représentation du monde de l’enfant en interrogeant des petits de 4 à 10 ans sur leur conception des plantes, des animaux, du soleil et des étoiles. Au terme de son étude, le psychologue en avait déduit que la pensée de l’enfant est spontanément animiste. Les petits croient que tout ce qui bouge – comme les nuages – est vivant. À des questions comme «?pourquoi il y a la nuit???», ils donnent des réponses égocentriques?: « C’est pour dormir. » Face à un tel anthropomorphisme, on comprend qu’ils puissent croire à la magie de contes où le soleil sourit, la lune est triste et les animaux parlent et vivent comme des humains.
Dès les années 1980, des chercheurs ont repris les expériences de J. Piaget en en changeant le protocole. Elisabeth Spelke et Rochel Gelman ont ainsi demandé à des enfants de 3 et 4 ans de dire si un caillou, une poupée ou un animal pouvait pleurer, se déplacer tout seul… Avec ce genre de questions concrètes, il est apparu que les enfants faisaient très bien la distinction entre les caractéristiques des objets inanimés, des plantes, des animaux ou des humains. Si un enfant de 3 ans ne s’étonne pas de rencontrer un chien qui parle dans un dessin animé, il sait faire la distinction entre un être réel et un être fictif. En 2006, Deena Skolnick et Paul Bloom avaient montré que les enfants de 3 à 6 ans comprennent très bien que les personnages rencontrés dans les livres sont des personnages fictifs, dotés de pouvoirs hors du commun qu’on ne rencontre pas dans la vie réelle.
Dernièrement, P. Bloom a réussi à démontrer que ces mêmes enfants savent aussi compartimenter les «?mondes fictionnels?» entre eux. Ils savent que le superhéros Batman ne peut pas surgir tout à coup, et que l’on ne peut même pas rencontrer SpongeBob (l’homme éponge), un autre personnage de bande dessinée, présent dans d’autres histoires.
Dès lors, une toute nouvelle approche de la croyance au Père Noël peut être proposée. Certes avant 5 ans, la plupart des enfants semblent crédules et prêts à admettre l’existence d’un vieux monsieur à barbe blanche vivant quelque part dans le ciel et se déplaçant avec un traîneau tiré par des rennes volants. Mais le fait de croire qu’un traîneau et des rennes puissent voler ne signifie pas que les enfants croient qu’il s’agit là d’une chose banale pouvant se passer dans le monde ordinaire. Un enfant de 3 ans sait bien qu’un cheval ou une voiture ne vole pas. En revanche, il est prêt à admettre qu’il puisse exister «?quelque part?» des êtres d’exception dotés de pouvoirs extraordinaires. Le Père Noël est de ceux-là. Tout comme un chrétien admet que Jésus puisse faire des miracles ou que, pour d’autres encore, il puisse exister des fantômes ou des extraterrestres doués de pouvoirs paranormaux. Croire au Père Noël n’empêche pas de discerner ce qui relève du monde ordinaire et de ses lois, de ce qui relève des mondes extraordinaires. Et tant que les parents, normalement dignes de foi, attestent de la réalité du Père Noël, il n’y a pas lieu de la mettre en doute.?»